Le choix de l’action contre l’immobilisme des compromis improbables
La France s’enlise dans une crise si grave qu’il ne faut plus attendre pour agir. Cette crise prend plusieurs formes : démocratique, économique, sociale, écologique, sanitaire dans la situation actuelle. Tout le monde s’accorde sur la nécessité d’un changement de paradigme mais aucun mouvement ou parti politique ne propose de démarche concrète pour avancer dans ce sens. Tels sont les mots qui ouvrent le premier manifeste du Frexit Écologique.
Face à ces crises et en particulier la crise écologique, il est communément admis que la nature globale, mondiale du problème implique d’établir une coopération aussi que large possible : régionale, continentale voire mondiale.
Pour répondre aux défis de la crise écologique, les Verts européens sont exemplaires en la matière : « L’ampleur de l’enjeu est telle qu’aucun État ne peut atteindre seul les objectifs ci-dessus. Par conséquent, nous avons besoin d’une coopération dans laquelle toute l’Europe […] puisse s’engager. » Puis, quand il s’agit de trouver une coopération européenne, la passerelle avec l’Union européenne apparaît on ne peut plus naturellement pour une coopération écologique : « L’Union européenne est bien placée pour faciliter cette coopération ».
Pourtant, cela fait vingt ans que l’Union européenne « intègre » l’environnement et le développement durable dans sa politique (sommet européen de Göteborg en 2001, objectifs de la « stratégie de Lisbonne ») et contrairement aux promesses, l’UE est très loin du compte en matière d’écologie. D’un point de vue théorique mais aussi empirique, l’objectif de croissance économique qui jalonne les traités ne peut être atteint sans une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et de l’extraction de matières premières. En résumé, la poursuite des objectifs économiques de l’UE (nuancé sous l’appellation “développement durable” dans le cadre de l’article 3 du TUE), en plus du désastre démocratique et social, mène au désastre écologique. Fondamentalement, les traités européens sont antiécologiques.
Si l’on considère, par exemple, l’empreinte carbone individuelle qui est un indicateur essentiel de la lutte contre le réchauffement. Entre 2000 et 2019, l’empreinte carbone individuelle d’un habitant de l’UE passe de 10,6 à 8,4 tonnes d’équivalent CO2 à l’année. Un rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre de 1%/an très éloigné du rythme qui aurait dû être mis en œuvre dès 2000 pour éviter les conséquences dramatiques du réchauffement climatique que les années 2020 et 2021 illustrent déjà trop bien :
- incendies en Australie du juin 2019 à mars 2020,
- canicule historique du 29 juin 2021 au Canada,
- inondations catastrophiques en Allemagne en juillet 2021,
- incendies en Grèce du 29 juillet 2021,
- incendies en Californie du 14 août 2021,
- incendies dans le Var du 16 août 2021
- etc.
Une telle séquence est tout simplement hallucinante. Sécheresses, canicules, incendies, inondations plus fréquentes et plus intenses il s’agit des conséquences annoncées du réchauffement climatique. Et humainement, cela personne ne peut le souhaiter. D’ailleurs, l’éco-anxiété ou solastalgie désigne une profonde détresse liée au constat de la destruction de l’environnement et touche en particulier les jeunes générations.
Désormais, il faut que les responsables politiques soient sérieux c’est-à-dire qu’ils arrêtent de plaisanter avec l’écologie. Il en va de leur crédibilité et de leur dignité. Cela passe par le renoncement à tout dogmatisme et une réflexion approfondie sur les biais d’analyse. L’EPR de Flamanville c’est 19 Mds€ en coût d’investissement mais en coût de production ça reste moins que beaucoup d’installations de solaire et d’éolien avec des services rendus par l’EPR qui sont très supérieurs. Si la cour des comptes, analysant les 121 Mds€ d’engagements publics pris avant 2017 vis-à-vis des nouvelles énergies renouvelables électriques dit que l’impact de ces investissements est minime vis-à-vis du réchauffement climatique, il faut se poser des questions. Si le marché laissé à lui-même n’est pas en mesure de changer de paradigme, sans doute faut-il s’interroger sur le rôle de l’État de la puissance publique pour réussir la transition écologique etc. Si la participation de l’État doit se renforcer, sans doute que l’obsession post libérale de réduction de l’État (social et fiscal) à peau de chagrin et mise en œuvre par l’UE via la Grandes Orientations de Politiques Économique (« GOPÉ ») en vertu de l’article 121 du TFUE doit être remise en cause. A ce moment, sans doute est-il souhaitable d’avoir en tête que dans les années 1950, quand il s’agissait de transformer positivement le pays, le capital public atteignait 25%-30% du capital national contrairement à la situation actuelle où le capital est à 99% privé.
Il faut désormais rompre avec le pathétique rythme européen d’une décarbonation de 1% par an et atteindre la neutralité carbone au plus tôt. L’objectif de 2050 est peu volontariste et constitue en soi un péril pour la société telle que nous la connaissons. Désormais, vu de 2021, l’horizon de 2050, correspond à un rythme de décarbonation de 7% par an. Viser une neutralité carbone en 2030 (bien plus souhaitable) correspondrait à un rythme de 24% par an. Si le problème climatique et écologique avait été pris au sérieux dès le début : diagnostic et moyens mis en œuvre, des efforts d’une telle intensité n’auraient jamais été nécessaires. Malheureusement, plus l’inaction politique s’éternise (mais pas que, les gestes individuels sont fondamentaux et l’écrasante majorité d’entre nous souffre malheureusement d’inconséquence et incohérence entre la représentation de nous-écolo et la réalité) et plus l’effort à fournir sera intense et donc difficile à mettre en œuvre et à réussir.
Si la France décide de réaliser la transition écologique, il existe trois démarches théoriques et pratiques :
- Imposer la transition écologique par la force,
- Convaincre et persuader tous les pays dans le but d’obtenir une coopération la plus large possible afin de réaliser la transition de concert,
- Réaliser la transition en France et la réussir pour convaincre par l’exemple.
La première possibilité « Imposer la transition écologique par la force » peut être rejetée d’emblée : on imagine mal la France intervenir militairement aux États-Unis, en Chine ou encore en Allemagne pour stopper l’exploitation des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) et imposer la transition écologique.
La deuxième possibilité « Convaincre et persuader tous les pays dans le but d’obtenir une coopération la plus large possible » est la méthode historique qui, nous l’avons vu avec vingt ans de recul en introduction, est en échec. L’Accord de Paris sur le climat en fournit une illustration supplémentaire : bien qu’approuvé par 195 pays sur 197, l’Accord n’est même pas respecté par l’UE (et que dire de la Chine où l’extraction du charbon continue son développement ?). Au-delà des accords, la transition écologique peine à se transcrire en actes. Pour autant, les partis écologistes mainstream persistent et signent : il faut établir une coopération aussi que large possible régionale, continentale voire mondiale. Arrivé là, il faut être sérieux (“il faut que les responsables politiques soient sérieux”). Kyoto est un échec, Paris est un échec (nous savons qu’il y a des nuances mais forçons le trait volontairement pour que le message soit bien compris) et les écologistes mainstream ont l’orgueil de prétendre convaincre le monde entier en 2021 alors qu’ils n’y sont pas parvenus en vingt ans ? Et à l’échelle régionale si l’on veut être plus modeste : convaincre l’Allemagne concernant le pacte faustien du gaz russe qui remplacera en partie son charbon..? Dans ces conditions, le risque est de continuer à chercher des compromis pendant encore longtemps et de ne jamais réaliser (ou bien trop tard) la transition qui est pourtant une impérieuse nécessité pour la survie des sociétés telles que nous les connaissons sans parler des injustices climatiques sur lesquelles il y aurait beaucoup à dire. Il faut donc cesser d’implorer les autres pays d’agir (ou attendre qu’ils agissent pour agir soi-même…) et réfléchir à une troisième démarche.
Face à l’irréalisme ou l’échec des démarches précédentes il faut tirer une conclusion : aujourd’hui, l’immobilisme des improbables compromis n’est plus acceptable, il faut faire le choix de l’action.
Dès lors, la troisième démarche, proposée par Frexit Écologique, consiste à retrouver tout d’abord les moyens d’agir pour ensuite répondre effectivement au défi de la transition écologique et dépasser les déclarations qui ne se traduisent jamais en actes (cette logique s’applique plus systématiquement à l’ensemble des défis auxquels fait face la société française).
Pour retrouver les moyens d’agir, il faut :
- Sortir de l’UE (grâce à article 50 du TUE que les Verts ne semblent pas connaître) car l’UE retire toute souveraineté et marges de manœuvre essentielles dans l’ensemble des domaines qui compte-tenu de son caractère global concernent et ont une importance majeure pour la transition écologique : union douanière, règles de la concurrence, politique monétaire, règles environnementales, politique commerciale, marché intérieur, politique sociale, cohésion sociale et territoriale, agriculture, pêche, protection des consommateurs, transports, réseaux, énergie etc.
- Sortir de l’euro pour avoir une politique monétaire adaptée à la poursuite des objectifs fixés démocratiquement par le collectif national. Des objectifs distincts de croissance pour la croissance, de consumérisme, de productivisme, d’extractivisme, d’exclusion sociale, de privatisation des services publics, de libre-échange…etc. qui sont inscrits dans le marbre des traités européens. Nous imaginons clairement de nouveaux objectifs qui sont dans l’esprit du premier manifeste du Frexit Écologique. Ils peuvent tout à fait, en fonction du débat démocratique, être ceux de la décroissance. En retrouvant la souveraineté monétaire il faut penser à la capacité de financement de la puissance publique pour les besoins de la transition, utiliser des mesures exceptionnelles de financement en direct de l’économie réelle par la Banque de France qui serait contrôlée démocratiquement par le législateur afin de s’assurer que les moyens nécessaires sont mis en œuvre pour réussir la transition. A ce jour, la Banque Centrale Européenne est indépendante du politique en vertu de l’article 130 du TFUE.
Avec la sortie de l’UE et la sortie de l’euro, la France retrouve sa souveraineté c’est-à-dire sa capacité d’action. Avec la souveraineté il y a également le retour à un schéma déjà plus démocratique de « démocratie représentative » qui rompt totalement avec les décisions supranationales hors de contrôle et largement corrompues qui sont la règle de la bulle bruxelloise.
Sortie du carcan européen, la France peut tout faire pour la réussir la transition écologique et ainsi convaincre par l’exemple (populations, dirigeants économiques et politiques des autres pays etc.). Il n’est pas seulement question de financement, de technique, il faut offrir à la population un futur neutre en carbone souhaitable. Le débat démocratique doit jouer pleinement. D’où l’importance de retrouver un véritable débat national et donc la cohérence de décision sur les sphères politique, économique et territoriale. L’émulation peut être telle que l’enthousiasme mène d’autres pays à enclencher à leur tour une réelle transition. Dans ce cas, il faut que la France saisisse les opportunités de coopération pour accélérer face à l’urgence. A l’échelle mondiale du problème il s’agit bien d’aller vite et tous ensemble. Ces coopérations peuvent être internationales et pas seulement européennes comme l’imaginent l’écologie mainstream qui oublie trop souvent le monde de la francophonie.