Agriculture et élevage
Position du problème
A la suite de la seconde guerre mondiale, la France a fait le choix de l’agriculture intensive. Le défi était de taille : assurer l’alimentation de la population. A l’aide de mécanisation, engrais, pesticides, sélection d’espèces les plus productives, augmentation de la taille des exploitations (en détruisant les talus, haies, fossés, bandes d’herbes, bordures), les rendements et la production ont explosé répondant ainsi aux objectifs qui étaient fixés. Progressivement, l’intensif est devenu le modèle dominant et l’artisanat laisse place à l’industriel voire l’ultra-industriel dans le cas où la logique de productivité est poussée au paroxysme.
Cette transformation en profondeur s’est étendue à l’échelle mondiale. Si la France semble résistante à certains égards, il n’en est rien de l’Allemagne, la Pologne, l’Espagne et la Roumanie au sein de l’Union européenne — encore moins chez les partenaires commerciaux majeurs que sont les États-Unis, la Chine et le Brésil.
En matière d’agriculture et d’élevage, le marché et la concurrence sont organisés à l’échelle mondiale. Dans ce système, l’organisation de la production découle directement d’une logique de coûts (main d’œuvre, normes sociales et environnementales), les prix sont tirés vers le bas pour des marchandises qui sont transportés sur des distances extravagantes.
Cette organisation de l’agriculture et de l’élevage est encouragée par les traités européens via :
- Article 32 du TFUE qui vise la promotion des échanges commerciaux à l’échelle mondiale (pays membres et pays « Tiers »), course à l’expansion de la consommation intérieure, accroissement de la production et de la productivité, maintien des États membres de l’UE dans une logique d’importations de matières premières et « demi-produits ».
- Articles 38 et 39 du TFUE qui instaure d’une politique commune de l’agriculture et de la pêche (PAC) fondée la course à la production et à la productivité dont le recours massif aux engrais, pesticides, OGM et machines est presque consubstantiel.
- Article 63 du TFUE qui favorise les délocalisations écologiques et l’évasion fiscale
- Articles 11, 191, 192 et 193 qui subordonnent l’écologie au dogme de la croissance économique, l’augmentation de la productivité, l’expansion des consommations, la concurrence généralisée, la promotion des échanges commerciaux mondialisés.
Cette organisation de l’agriculture et de l’élevage pose des problèmes majeurs qui doivent être résolus sans plus attendre concernant la santé, l’environnement, la situation des agriculteurs français et leur rôle essentiel qui consiste à nous nourrir.
Tout d’abord, les problèmes concernant la santé. La multiplication des engrais et pesticides augmentent les risques de cancer, maladies neurodégénératives, remettent en cause la fertilité masculine, augmentent les risques de malformation chez les nouveaux nés ainsi que des morts prénatales. Tous ces risques tendent à augmenter fortement avec la proximité aux zones de production et aux produits manipulés. Les premières victimes du système sont donc les agriculteurs. Les perturbateurs endocriniens qui agissent sur le fonctionnement hormonal sont impactant même à faibles doses. Ce qu’il faut bien percevoir c’est que les pesticides et produits chimique de l’agriculture et de l’élevage se retrouvent désormais partout : dans la terre, dans la terre, dans l’air, dans la nourriture des animaux et des êtres humains.
Par ailleurs, le système agro-industriel actuel est à l’origine d’une destruction accélérée de l’environnement. Par les pesticides qui anéantissent des pans entiers de la biodiversité des insectes aux oiseaux en passant par les abeilles qui jouent un rôle essentiel de pollinisation (80% des fruits en dépendent). Par la déforestation en vue d’augmenter les surfaces de production et qui détruit des écosystèmes et des puits de carbone. Par les émissions de gaz à effet de serre qui aggravent le réchauffement climatique (l’agriculture représente 20% des émissions mondiale de gaz à effet de serre soit le deuxième poste après la production électrique et avant les transports) et qui proviennent essentiellement de l’usage d’engrais (méthane en intrant de la production et dioxyde d’azote lors du processus de dégradation après usage), une consommation excessive de viande (méthane des élevages de bœuf, porcs, mouton, poulet …etc.).
Enfin, le libre-échange et la concurrence mondialisée se traduit par une précarisation très grave des agriculteurs. Faibles revenus, nombre d’agriculteurs en chute libre, l’âge moyen des agriculteurs dépasse désormais les 50 ans et le taux suicide est très supérieur à la moyenne. Le manque de perspectives et la dureté de la vie fait que la profession attire très peu de jeunes.
Solutions
Face à ces problèmes majeurs, il semble évident que la solution à remettre en cause les fondements du système agro-industriel.
Vis-à-vis de la santé de la population, il s’agit de supprimer l’usage des pesticides et des engrais chimiques pour passer à une agriculture et un élevage 100% biologique en France. Un tel plan d’action impose des précautions importantes : globalement, le passage à l’agriculture biologique se traduit par une perte de rendement et donc des coûts de productions supérieurs. Les produits biologiques produit en France seraient, quoiqu’il arrive, soumis à la concurrence des produits biologiques mondiaux et des coûts de productions inférieurs. Sans accompagnement, c’est la faillite de l’agriculture française. Il faut donc subventionner le produit en France biologique de manière à assurer sa diffusion à l’ensemble des distributeurs grâce à leur compétitivité. De manière complémentaire, les produits issus de l’agriculture conventionnelle intensive et industrielle doivent être fortement taxés.
Vis-à-vis de l’environnement, le passage à 100% d’agriculture biologique est déjà une grande avancée (car les pesticides et engrais chimiques sont une catastrophe) mais il faut aller plus loin. L’élevage représente près de 50% des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture et une partie des cultures et de la déforestation découle du besoin de produire l’alimentation des animaux d’élevage. Sous l’angle de la lutte contre le réchauffement climatique, il est évident que notre consommation de viande doit baisser (en particulier de viande bovine). De plus, maintenir le régime actuel fortement carné ne permet pas de relocaliser intégralement la production alimentaire sur le territoire nationale. Pour atteindre l’autosuffisance alimentaire de la France, la consommation de viande doit être réduite d’au moins 25% par rapport au régime actuel (60% de protéines animales). Du point de vue de la lutte contre le réchauffement climatique, la consommation de viande doit être réduite au maximum.
Vis-à-vis de la qualité de vie des agriculteurs, le passage au 100% biologique serait largement subventionné de telle sorte que la compétitivité par rapport aux produits de l’agriculture conventionnelle assurera les débouchés et l’élévation du niveau de vie des agriculteurs et l’attractivité de la profession pour les jeunes. La fonction publique (d’État et territoriale) sera en première ligne pour assurer la demande des produits biologiques faits en France. De manière complémentaire, afin que les consommateurs puissent prendre en compte les dimensions écologiques et sociales de leurs achats, la qualité des informations sur les produits devra être renforcée avec les éléments suivants prix de vente au consommateur et prix de vente de l’agriculteur, origine exacte de la production, distance parcourue en vue de la mise en rayon, émissions de gaz à effets de serre. De la sorte, chacun pourra faire ses achats alimentaires avec une conscience accrue. L’accroissement de la consommation locale aurait pour conséquence de réduire la quantité de transports longues distance et intra-européens largement dominés par les combustibles fossiles. Les effets favorables pour le climat sont évidents.
le Frexit Écologique
Bien évidemment, l’ensemble de ces mesures qui apportent des solutions à des problèmes majeurs et urgents ne peuvent être réalisées dans le cadre de l’Union européenne dont les traités instituent la concurrence généralisée, la croissance de la productivité, de la production, de la consommation ainsi que des échanges internationaux et le libre-échange.
De même que le climat, de nombreux partis politique considèreront qu’une telle transformation de l’agriculture doit être pensée et organisée à l’échelle européenne voire à l’échelle mondiale. Que seule un consensus suivi d’une action coordonnée permet d’avancer de manière optimale dans l’intérêt de tous.
Soyons réalistes, un tel consensus a très peu de chance d’arriver.
Prenons par exemple, la réforme de la PAC qui devait faire de l’Union européenne un modèle d’écologie en matière d’agriculture. Après d’âpres négociations, la nouvelle PAC de 2021 consacre fondamentalement le modèle dominant d’agriculture ultra-industrielle et donc antiécologique. Elle sera en vigueur jusqu’à 2027. Cela signifie que pendant 6 années supplémentaires, le modèle agricole ultra-industriel de l’Union européenne ne sera pas remis en cause et que nous continuerons à dégrader notre santé, détruire l’environnement et précariser les agriculteurs français. Et il y a fort à parier qu’en 2027, le résultat sera peu différent, conformément aux traités.
Dès lors, la métamorphose de l’agriculture française que les partis politiques qui se considèrent écologiques réclament de leurs vœux a très peu de chances de voir le jour dans le cadre d’une action concertée à l’échelle européenne et encore moins à l’échelle mondiale.
Face au rêve de consensus européen il y a l’action concrète : agir en avance de phase, réaliser et réussir la transition de l’agriculture française vers le 100% biologique, l’autosuffisance alimentaire du territoire, la lutte contre le réchauffement climatique en réduisant la consommation de viande tout en faisant de la profession d’agriculteur une vocation attractive pour les nouvelles générations.
Si ces problèmes de l’agriculture française sont considérés comme des problèmes majeurs qui méritent véritablement une prise en charge urgente avec toute notre mobilisation alors le choix est simple : il faut sortir de l’Union européenne et faire le choix du Frexit Écologique.
Cette analyse de l’agriculture et de l’élevage se rattache aux points suivants du premier manifeste du Frexit Écologique :
- 2. réindustrialiser la France, viser l’autosuffisance alimentaire et maximiser l’emploi
- 3. enclencher une véritable transition écologique étendue à l’ensemble des secteurs
- 5. promouvoir un nouveau modèle social plus juste et résilient en accord avec les évolutions majeures du XXIème siècle
- 7. mettre en œuvre une politique monétaire favorable à la poursuite des objectifs politiques
- 9. faire de la France un pays des droits de l’homme
- 10. promouvoir le renouveau démocratique et écologique à l’échelle mondiale