L’indépendance de la BCE contre l’écologie
Cette analyse s’inscrit dans notre dossier “Écologie : ce qui pose problème dans les traités européens”.
L’esprit général de la politique économique de l’UE est une subordination totale des objectifs écologistes et progressistes aux besoins du capitalisme financiarisé.
L’austérité est la règle de base au sein de l’UE et la politique monétaire n’est d’aucune aide. En effet, comme indiqué précédemment, les États membres ne peuvent être financés par la Banque Centrale Européenne (BCE) ou encore par les banques commerciales avec des conditions préférentielles et la BCE est tenue au principe de neutralité qui découle du principe de concurrence libre qui infuse les traités européens.
Cette situation bloquante pour l’avancée de la transition écologique est renforcée par l’indépendance de la BCE instituée par l’article 130 du TFUE.
Les gouvernements des États membres de la zone euro n’ont pas le pouvoir d’adapter les objectifs de la banque centrale aux besoins de la transition écologique ou tout autre objectif stratégique (justice sociale, souveraineté technologique etc.) : “ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme.”. La BCE est donc en roue libre pour faire appliquer le principe de concurrence qui perpétue la destruction de la planète et les inégalités socio-économiques. La seule possibilité pour infléchir cette trajectoire consiste en une révision des traités européens ce qui nécessite l’unanimité des États membres. Nous revenons sur la problématique (qui devra devenir et est déjà un dilemme à arbitrer pour ceux qui se prétendent écologistes) de l’action face à l’immobilisme des compromis improbables.
Par ailleurs, l’UE impose une forme d’auto-censure aux gouvernements vis-à-vis de la politique monétaire puisque ceux-ci “s’engagent […] à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la Banque centrale européenne ou des banques centrales nationales dans l’accomplissement de leurs missions”. Dit autrement, si les gouvernements considèrent (à juste titre) que la politique monétaire de l’UE est incompatible avec la transition écologique, ils sont priés de se taire. En effet, comment ne pas assimiler toute prise de position critique du gouvernement français, italien ou allemand comme une tentative d’influence. L’auto-censure imposée aux gouvernements au sein de l’UE vis-à-vis de la politique monétaire est profondément antidémocratique. Il représente également un frein à la mise en place d’une politique monétaire écologique dans la mesure où sont retirés du champs de l’analyse critique les objectifs poursuivis par la BCE (“croissance (verte)”, “économie de marché ouverte”, “concurrence libre”, “immobilisme”, “austérité”) qui sont des problèmes majeurs pour la transition écologique.
L’indépendance de la BCE s’est également illustrée lors de la mise en œuvre de mesures exceptionnelles suite aux crises de 2008 et à la crise sanitaire (opérations de refinancement à long terme, opérations de refinancement à long terme ciblées, programme d’achat d’actifs). Ces politiques ont été pensées et appliquées dans la plus grande opacité et sans le moindre contrôle démocratique (la mise en place du FESF, MES sont également caractéristiques de l’opacité de la politique monétaire européenne). Cela pose un problème majeur qui n’a pas encore été résolu et qui est maintenu éloigné du débat public.
Paradoxalement, dans le domaine de l’écologie, les programmes de la BCE ont favorisé les secteurs émetteurs de gaz à effet de serre. La neutralité de la politique monétaire annoncée par le cadre européen (conséquence du principe de concurrence libre) serait donc un principe qui s’applique à la discrétion de la BCE. Autant dire qu’au-delà de l’incohérence écologique, se pose un problème démocratique fondamental.
Conclusion
La BCE est indépendante. Les gouvernements des États membres de la zone euro n’ont pas le pouvoir d’adapter les objectifs de la banque centrale aux besoins de la transition écologique ou tout autre objectif stratégique (justice sociale, souveraineté technologique etc.). Les mesures exceptionnelles mise en œuvre suite aux crises de 2008 et à la crise sanitaires ont favorisé les secteurs émetteurs de gaz à effet de serre et donc aggravé la crise climatique.
La BCE est hors du contrôle démocratique et de l’influence des gouvernements élus des États membres. La seule solution pour une politique monétaire écologique au sein de l’UE est la révision des traités ce qui nécessite l’unanimité des États membres. L’UE comme système autobloquant s’illustre contre l’écologie. Assujettie au dogme de la croissance (verte), la concurrence libre, l’économie de marché l’indépendance de la BCE joue contre l’écologie.